Des médecins spécialistes peu disponibles

En mai 2015, une étude révélait que 1 Français sur 2 avait déjà renoncé à se soigner pour des raisons financières. Mais davantage que le coût, ce sont souvent les délais d’attentepour obtenir un rendez-vous qui provoquent le découragement des patients.

Ces délais s’expliquent par le manque de praticiens dans certaines spécialités, principalement à cause du numerus clausus (nombre d’étudiants autorisés dans chaque spécialité en école de médecine). Ce numerus clausus n'évolue pas dans des proportions suffisantes, par rapport à l'augmentation de la population et à son vieillissement, qui impliquent des besoins croissants en matière de santé.

Ainsi le site Mutuelle.com a publié plusieurs cartographies indiquant les temps d’attente chez les praticiens de 6 spécialités : ophtalmologiste, cardiologue, chirurgien dentiste, radiologue, oto-rhino-laryngologue (ORL) et gastro-entérologue.

Inégalités territoriales

Cette cartographie révèle aussi de fortes disparités d’un département à l’autre.
Par exemple, obtenir un rendez-vous chez un ORL demandera jusqu'à 6 mois d’attente dans le Cantal, mais moins de 2 semaines dans le Tarn. Consulter un chirurgien-dentiste dans la Creuse ou la Nièvre nécessitera 3 mois de patience, contre 1 à 2 semaines en Ille-et-Vilaine...

L’ophtalmologie toujours inaccessible

Illustration parfaite de ce manque de spécialistes : l’ophtalmologie, où malgré une légère amélioration en 2015, le délai d’attente reste très long : 109 jours en moyenne en France ! Ce délai est parfois plus court, mais parfois aussi beaucoup plus long, avec une attente record dans la région de Saint-Etienne (42) : 327 jours ! A noter : nulle part en France le délai d’attente n’est inférieur à 2 mois...

Récemment, la ministre de la Santé, Marisol Touraine, a annoncé des mesures d'amélioration pour les patients, en élargissant les actes de contrôle que pourraient effectuer par exemple les orthoptistes. En effet, depuis un arrêté du 12 janvier 2015, un protocole de délégation de tâche permet déjà aux orthoptistes de réaliser certains examens oculaires.

Une autre étude, réalisée par Acommeassure, avait déjà montré que la réforme des contrats responsables des mutuelles, entrée en vigueur le 1er avril 2015, n’avait pas vraiment amélioré les remboursements des lunettes pour les patients.

L’optique était pourtant au cœur des préoccupations affichées de cette réforme. Car lunettes et lentilles représentent un des postes de dépenses de santé qui laisse le plus grand reste-à-charge aux patients, et dont l’importance constitue un facteur de renoncement à s’équiper.

Le problème des dépassements d’honoraires

Les dépassements d’honoraires, pratiqués par beaucoup de spécialistes, rendent souvent exorbitants les tarifs de ces praticiens, ce qui constitue un facteur important de renoncement aux soins.

Pour enrayer la spirale inflationniste des dépassements d’honoraires, l’Etat a instauré le 1er décembre 2013 le Contrat d’accès aux soins (CAS). Signé entre l’Assurance maladie et chaque praticien volontaire, le CAS permet aux médecins, en contrepartie de leur engagement à modérer leurs tarifs, de bénéficier d’avantages sociaux et fiscaux.

Depuis le 1er avril 2015, le gouvernement a aussi imposé la limitation des remboursements des dépassements d’honoraires par les mutuelles, pour les consultations et les actes réalisés par des médecins qui n’ont pas adhéré au CAS.

Théoriquement, ce système devait amener les malades à consulter des médecins adhérents au CAS pour être mieux remboursés. Mais en pratique, du fait des délais d’attente et des coûts, l’effet de cette réforme s’avère déjà très limité, et on constate que les dépassements d’honoraires sont toujours en augmentation.

Comment savoir si votre médecin est adhérent au CAS ?

Si vous envisagez de consulter un professionnel de santé, consultez l'annuaire santé de l'Assurance maladie. 
Ainsi vous saurez si ce praticien est adhérent ou non au CAS, et pourrez connaître la base de remboursement de la Sécurité sociale en fonction.

Une réforme à l’impact très limité

D’après une autre étude réalisée par le courtier Gerep pour le Figaro, dans les 10 plus grandes villes de France, seul 1 médecin sur 5 a adhéré au CAS. En moyenne au niveau national, ce chiffre est de 1 médecin sur 3.

Sans surprise, Paris est la plus mauvaise élève de ce classement : dans la capitale, seulement 4% des médecins ont adhéré au CAS, devant Lyon (7%)...

Certaines professions sont particulièrement récalcitrantes à limiter leurs dépassements d’honoraires. Ainsi à ce jour, sur l'ensemble du territoire, seuls ont adhéré au CAS :

  • 8% des ophtalmologues,
  • 19% des gynécologues,
  • 38% des pédiatres,
  • 77% des radiologues.

Deux ans après l’entrée en vigueur du CAS, et plus de six mois après la réforme des contrats responsables des mutuelles, l’objectif du gouvernement d’enrayer l’augmentation des dépassements d’honoraires est loin d’être atteint ! Avec pour conséquence logique, comme le déplore le président du Gerep, Damien Vieillard-Baron, que « si les médecins n’adaptent pas leurs tarifs, ce qui est plus que probable, alors les patients devront débourser davantage de leur poche ». Pour les Français, ce constat est déjà une réalité... 

Pour aller plus loin