Dentiste : des restes à charge importants malgré les mutuelles
On assiste depuis une vingtaine d’années au désengagement progressif de la Sécurité sociale qui fait de plus en plus reposer sur les complémentaires santé les remboursements de soins de santé des Français. En outre, pour certains actes et dans certaines spécialités médicales, on constate des différences importantes entre les tarifs Sécu (c'est-à-dire le prix des actes que l'Assurance maladie définit pour fixer le montant de ses remboursements) et les coûts réels des soins répercutés sur les factures des patients.
Les remboursements des soins dentaires sont marqués par ces deux éléments : les remboursements de la sécu sont faibles (sauf pour les soins courants) et malgré les remboursements des mutuelles, les restes à charge pour le patient sont importants sauf à opter pour un contrat de complémentaire santé haut de gamme et onéreux.
C’est dans ce contexte que l’Observatoire citoyen des restes à charge en santé publie sa deuxième étude. Il s’interroge sur la justification des frais dentaires, poste de dépenses de santé majeur et source de renoncement aux soins. Les créateurs de l’Observatoire (le CISS ou Collectif inter-associatif sur la santé, 60 millions de consommateurs et l’entreprise Santéclair) ont choisi d’analyser la situation en prenant en compte quatre types de soins dentaires représentatifs : les soins conservateurs et les extractions (soins courants), les prothèses, les implants et l’orthodontie.
Soins dentaires courants et dépassements d’honoraires
L’Assurance maladie encadre les tarifs des soins courants comme les détartrages, le traitement des caries, les dévitalisations, les extraction… Sauf exception (soins dispensés en urgence par exemple), les dépassements d’honoraires sont donc interdits : le tarif des soins fixé par la Sécurité sociale est donc celui qui doit vous être facturé. Elle rembourse dans ce cas 70 % et les 30 % restants sont pris en charge par votre mutuelle.
Pourtant, l’Observatoire relève que les dépassements d'honoraire, s'ils restent assez rares pour ces soins, sont une pratique qui existe chez les dentistes Parisiens qui y ont beaucoup plus recours que leurs confrères de province. « Ceux installés à Paris facturent à eux seuls 57% de l’ensemble des dépassements constatés sur tout le territoire » pour les soins conservateurs, explique l'Observatoire avant d'ajouter que « Paris se distingue par le niveau beaucoup plus important des dépassements qui y sont pratiqués, de l’ordre de 17 euros par acte d’extraction en y concentrant plus de 40% du montant de l’ensemble des dépassements réalisés sur ce type de soins en France ».
Des choix thérapeutiques qui gonflent les prix des prothèses
Les prothèses (couronnes, bridge, inlay-onlay…) représentent la part la plus importante des dépenses de soins dentaires (5 milliards € en 2012). C’est pourtant une dépense peu prise en charge par la Sécu qui n’a remboursé qu’1 milliard pour ces soins l’an dernier. L’Observatoire relève ainsi un reste à charge après remboursement Sécu qui varie entre 290€ et 400€ par acte de prothèse selon qu’on se fait soigner à Paris ou en province. Et les mutuelles santé qui ne les prennent généralement que partiellement en charge, n’efface pas la totalité de ces sommes si bien que c'est le patient qui assume lui même la plus grosse partie de la facture !
Selon l’étude de l’Observatoire, ce coût important est alimenté par les choix thérapeutiques des dentistes et le non respect de certains objectifs conventionnels. Ainsi, malgré une convention dentaire signée en 2006 pour inciter les dentistes à privilégier les solutions les moins onéreuses à qualité de soins équivalente, c'est en réalité loin d'être toujours le cas. L’Observatoire prend l’exemple de « l’alternative possible entre une "reconstitution sous couronne au fauteuil" réalisée par le dentiste dans son cabinet (au tarif fixé par la Sécurité sociale) qui serait souvent écartée au profit « d’un inlay-core fabriqué par un prothésiste et posé ensuite par le dentiste (tarif libre, non encadré par la Sécurité sociale et donc fixé par le dentiste) ». L’étude révèle aussi « une autre pratique injustifiée en matière de qualité des soins dentaires mais qui se traduit par un surcoût conséquent pour les usagers : la généralisation de la pose d’un inlay-core avant celle d’une couronne». Au final, l'étude révèle même que les alternatives les plus chères sont de plus en plus privilégiées et que certaines deviennent même la norme…
Des actes hors nomenclature : cas de la parodontie et des implants
L’Assurance maladie ne rembourse pas les implants et certains actes de parodontie. L’Observatoire à essayé de chiffrer le montant des restes à charge pour les patients malgré l’absence de chiffres officiels à sa disposition.
De l’analyse de 177 000 devis de dentistes concernant de l'implantologie par Santéclair, il ressort que pour un implant dentaire facturé au prix moyen de 931 €, après prise en charge par une complémentaire santé, le patient doit en moyenne payer 650 € de sa poche…
Orthodontie : des traitements chers et des soupçons de fraude
Les traitements orthodontiques se traduisent majoritairement par des « semestres de traitement actifs », c'est-à-dire des périodes de 6 mois durant lesquelles le patient porte un appareillage qui lui rend une occlusion « normale ». Remboursés à hauteur de 193,50 € le semestre par l’Assurance maladie (si le traitement commence avant les 16 ans du patient), cet acte est facturé en moyenne 650 € avec des variations de plus du simple au double entre Paris et la province. Les 450 € restants sont inégalement pris en charge par les complémentaires santé selon le contrat et les garanties souscrites. Notons aussi qu'en moyenne 80 % des dépenses de soins d’orthodontie correspondent à des dépassements d’honoraires.
Enfin, l’Observatoire rappelle qu’à l’issue des semestres de traitement actifs, le traitement doit se poursuivre par un traitement dit de « contention » pendant 1 voire 2 ans. D’après leurs chiffres, près de 16 % des patients en cours de traitement actif n’en bénéficieraient pas. Ils interpellent donc ainsi les pouvoirs publics : « On a du mal à croire qu’autant de patients soient en échec ! S’agit-il alors d’une mauvaise pratique des orthodontistes, qui ne respecteraient pas les référentiels recommandant au moins une année de contention après tout traitement actif pour garantir les meilleurs résultats durables ? Voire d’une cotation frauduleuse par certains professionnels, faisant passer en semestres actifs, mieux rémunérés et mieux remboursés, la première année de contention ? »
Accéder aux résultats complets de l’étude Soins dentaires : des dérives inacceptables
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