Un démarrage difficile pour les lunettes 100 % santé

Accessible à tous depuis janvier 2020, l’offre 100 % santé optique permet de bénéficier de lunettes intégralement remboursées par la Sécurité sociale et les mutuelles santé. Pour cela, les opticiens ont l'obligation de proposer au moins 17 montures adultes et 10 montures enfant (en 2 coloris) à moins de 30 euros ainsi que des verres pour tous les troubles de la vue. 

Malgré l’avantage évident de bénéficier d’un équipement complètement pris en charge, seulement 14 % des lunettes achetées depuis janvier 2020 sont issues du panier A (offre 100 % santé) selon le directeur de la Sécurité sociale, Franck von Lennep. Il explique d’ailleurs que le faible recours à ces équipements peut être dû à une communication inaudible en période de crise sanitaire où l'attention du public était attirée par d'autres sujets.

Pourtant, le frein le plus important à cette réforme semble à chercher du côté des opticiens eux-mêmes. Ces derniers n'ont pas vu d'un bon oeil l'arrivée de lunettes à prix bradé qui sont venues inévitablement réduire leurs marges jusqu'alors plus que confortables. D’après une enquête en cours de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) et relayée par France Assos Santé, près de 60 % des prescriptions ne mettent pas en avant les montures et verres éligibles, alors que c'est obligatoire. Il faudra cependant attendre la fin de l’année pour avoir les résultats finaux de l'enquête et connaître les possibles sanctions encourues par les opticiens récalcitrants. 

Enfin, un biais psychologique n'est pas à négliger non plus dans le démarrage difficile de la réforme du reste à charge zéro (RAC0) pour les lunettes. Pour certains, si un équipement est gratuit cela veut forcément dire qu'il est de moins bonne qualité qu’un même équipement payant. Pourtant, si les montures ne sont qu’en plastique, les verres du panier 100 % santé remplissent les mêmes critères que les verres à tarif libre du panier B :

  • ils répondent à un cahier des charges précis, 
  • ils traitent tous les troubles de la vue,
  • ils peuvent être amincis et/ou traités (anti-reflets et/ou anti-rayures).

Ce lancement, malgré les difficultés énumérées plus haut, n’est pas vain pour autant. D’après l’association pour l’amélioration de la vue (AsnaV), la réforme du 100 % santé a incité 13 % de Français à s’équiper en lunettes pour la première fois !

Mixer les paniers pour diminuer le reste à charge de ses lunettes : une solution qui séduit les clients
La réforme 100 % santé prévoit qu'il est possible de mixer les paniers A et B en choisissant des verres 100 % santé et une monture à tarif libre, ou l'inverse. C’est d’ailleurs ce qu’il se passe dans 50 % des cas. Ce brassage permet par exemple de choisir une monture plus esthétique en limitant le reste à charge grâce au recours de verres entièrement remboursés.

Un lancement prometteur pour les prothèses dentaires 100 % santé

Lancé en plusieurs étapes entre 2019 et 2021, le pan dentaire de la réforme du 100 % santé a commencé par plafonner les prix des prothèses dentaires entrant dans le cadre du 100 % santé avant d’en proposer le remboursement intégral.

Malgré sa mise en place échelonnée sur plusieurs années, le panier 100 % santé en dentaire a connu un succès fulgurant dès le début. Selon la direction de la Sécurité sociale une prothèse dentaire posée depuis 2020 sur deux est intégralement remboursée grâce à la réforme. Ce chiffre est d’ailleurs confirmé par une étude de Santéclair qui indique que 53 % des couronnes dentaires posées dans le réseau de soins sont également des prothèses 100 % santé (contre 44 % en février 2020).

Ce recours important au 100 % santé repose en majorité sur le fait qu’il n’y a pas le choix dans la prothèse dentaire, contrairement aux équipements optiques. En effet, c'est la combinaison entre la ou les dents concernées (incisive, molaire, etc.) et le matériau choisi (métallique, zircone, céramo-céramique, etc.) qui détermine si la prothèse sera 100 % santé (et donc entièrement remboursée) ou si elle sera vendue à un tarif maîtrisé (et donc plafonné) ou libre. Ainsi, une couronne dentaire métallo-céramique sur une dent visible (incisive, canine ou prémolaire) sera forcément une couronne 100 % santé alors qu'il s'agira d'une couronne à tarif maîtrisé sur une molaire.

Pour schématiser, la réforme 100 % santé prévoit des couronnes dentaires esthétiques pour les dents du sourire (les dents visibles) et des couronnes métalliques pour les molaires. Si le patient accepte ces matériaux, il ne déboursera rien de sa poche. S'il souhaite une alternative plus esthétique, le niveau de la prise en charge dépendra de la garantie dentaire de sa mutuelle.

Du côté des dentistes, les choses aussi sont simples. Ils n'ont aucune obligation de poser des prothèses 100 % santé mais ils ne peuvent pas poser l'équivalent d'une prothèse 100 % santé en la facturant au tarif libre. Cela signifie donc que s'ils ne souhaitent pas appliquer la réforme, ils sont obligés de recommander leurs patients à un confrère s'ils souhaitent une prothèse 100 % santé.

Le fait que les choses soient clairement déterminées dans le secteur dentaire a certainement participé au fait que la réforme a été bien perçue dans ce domaine.

Un début très positif pour les aides auditives 100 % santé 

Les audioprothèses du 100 % santé n’ont été mises à la disposition des Français que depuis janvier 2021. Pourtant, la réforme est entrée en action dès 2019 en plafonnant leur prix (qui est passé de 1300 € en 2019 à 905 € en 2021) et en augmentant progressivement la prise en charge de la Sécurité sociale (qui est passée de 180 € à 240 € par oreille).

Malgré ce lancement récent, les aides auditives 100 % santé ont déjà rencontré un grand succès : près de 5000 appareils ont été vendus en janvier et février 2021 dans le réseau Santéclair, soit une augmentation de 44 % par rapport à la même période en 2020. Toujours dans le réseau selon l’enquête, 34 % des équipements sont de classe I (panier 100 % santé). Pour le reste, 21 % des aides de la classe II n’entraînent aucun reste à charge pour l'assuré grâce à la meilleure prise en charge de la Sécurité sociale et à la couverture des mutuelles santé. Hors du réseau de soins, les répondants ont opté pour un équipement de classe I près d’une fois sur deux.

Le succès de ce lancement est dû au fait que très peu de malentendants étaient appareillés jusque-là à cause du prix prohibitif des aides auditives. En 2014, selon une étude du gouvernement, 67 % des personnes malentendantes interrogées n’étaient pas équipées faute de moyens financiers. Le 100 % santé a donc permis à beaucoup de bénéficier de prothèses auditives intégralement remboursées.

Pourtant, tout comme pour les lunettes, les Français peinent à faire confiance aux audioprothèses sans reste à charge, ayant peur de se retrouver avec un appareil de moindre qualité. Mais, à l’image des verres, les audioprothèses 100 % santé répondent à un cahier des charges précis. Plus encore, l’UFC Que Choisir a réalisé une enquête pour vérifier la qualité de ces dernières. Et le résultat est sans appel : les audioprothèses de classe I ont une efficacité équivalente à celle des classes II, la seule différence notable étant le nombre d’options disponibles.

Il faudra, malgré tout, attendre encore quelques mois pour avoir une vue d’ensemble de ce pan de la réforme même si son lancement est plus que prometteur.