Selon les chiffres du fonds CMU tout juste publiés, près de 4,5 millions de personnes bénéficient de la couverture maladie universelle complémentaire (CMU-C), soit 2% de plus qu’en 2011, dont une grande majorité de jeunes. Selon une enquête du Centre d’études et de connaissances de l’opinion publique (CECOP) et du CSA, un Français sur cinq renonce ou retarde ses soins « plus souvent » depuis deux ans, et principalement pour des raisons financières. Dans ce contexte, le président de la République a promis une « mutuelle de qualité pour tous » d’ici la fin de son mandat. Pour atteindre cet objectif, il prévoit une remise à plat des aides et des taxes dans le secteur. Un article des Echos daté du 20 octobre revient sur le discours prononcé par le président de la République.
Contrats collectifs vs contrats individuels
Selon François Hollande, les 4 milliards d’euros d’aides de l’Etat profiteraient surtout aux contrats collectifs des grandes entreprises, alors que les chômeurs et les retraités « ont les plus grandes difficultés à s’offrir une complémentaire ». Le chef de l’Etat vise les exonérations fiscales et sociales dont bénéficient les employeurs pour leur participation à la protection complémentaire de leurs salariés. « Alors que les médicaments pris en charge à 35% par l’Assurance-Maladie sont entièrement remboursés par 97,7% des contrats collectifs, ce taux n’est que de 84,8% pour les contrats individuels », illustre t-il, rapport à l’appui. Les remboursements sont moins généreux aussi dans les contrats individuels pour les prothèses dentaires ou les honoraires de médecins.
Encourager les contrats responsables et solidaires
Le président a par ailleurs regretté que l’Aide à la complémentaire santé (qui s’adresse aux revenus modestes) soit seulement perçue par 650 000 personnes « alors que 4 millions pourraient en bénéficier ». La fiscalité qui pèse sur les complémentaires doit également être revue, afin de rendre plus attractifs les contrats responsables et solidaires. Ces contrats, qui respectent le parcours de soins et ne prennent pas en charge les franchises sur les consultations et les boîtes de médicaments, sont taxés à 7%, contre 9% pour les contrats non responsables. François Hollande propose « une modulation beaucoup plus forte » pour privilégier les contrats vertueux, dont la liste des critères serait renforcée, « pour favoriser un meilleur remboursement des soins optiques et dentaires ». Ce nouveau chantier pourrait apparaître dans le budget de la Sécurité Sociale pour 2014.
La fracture sanitaire pointée par l’UFC-Que choisir
L’UFC-Que choisir a publié le 16 octobre une carte de l’offre médicale en France, qui fait état de nombreuses disparités dans l’accès aux soins. L’association de consommateurs souligne le lien étroit qui existe entre l’accès géographique aux soins et les dépassements d’honoraires, deux facteurs qui affaiblissent l’égal accès de la population aux soins.
Les déserts médicaux de spécialistes sont nombreux : ils concernent 19% de la population pour les pédiatres, 14% de la population pour les gynécologues et 13% pour les ophtalmologistes.
Mais la pénurie de médecins qui ne pratiquent pas de dépassements d’honoraires est encore plus flagrante : 54% de la population n’a pas accès aux gynécologues pratiquant les tarifs de convention, et 45% aux ophtalmologistes. De plus, les délais d’attente augmentent si l’on refuse de payer des dépassements d’honoraires. Il faut attendre un mois et demi de plus pour obtenir un rendez-vous chez un ophtalmologiste au tarif de la sécurité sociale.
Si la désertification médicale touche surtout les zones rurales, l’exclusion sanitaire liée à la capacité financière touche autant la ville que la campagne. L’étude de l’UFC-Que choisir montre par exemple que les habitants de Paris, Saint-Etienne, Le Mans et Aix-en-Provence sont « dans des zones d’accès difficile, concernant les ophtalmos ne pratiquant pas de dépassements d’honoraires ».
Dans l’attente d’une remise à plat de la rémunération des actes médicaux, l’association fait plusieurs propositions concrètes :
- Elle invite les consommateurs à examiner la situation de l’offre médicale dans leur commune et à interpeller directement leurs parlementaires
- Elle demande en urgence aux pouvoirs publics d’intégrer dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale « un déconventionnement sélectif des médecins » (en limitant les installations dans les zones sur-dotées) et une « réduction des aides publiques aux médecins installés en zone sur-dotée »
- Elle préconise la disparition progressive des dépassements d’honoraires.
Un accord arraché pour sanctionner les dépassements d'honoraires
Les négociations lancées cet été pour sceller un accord sur les dépassements d’honoraires ont duré. Après 21 heures de négociations de plus le 23 octobre, les syndicats de médecins, les mutuelles et l’Assurance-Maladie sont enfin parvenus à un consensus. Mais les syndicats doivent encore soumettre ce texte de loi à leurs instances pour le valider. « Les deux principaux points de blocage ont finalement été levés », assurait un article sur le site du Monde dès la fin de matinée, avant d’annoncer que les négociations étaient de nouveau bloquées quelques heures plus tard. « Le seuil à partir duquel devait être déclenché le processus de sanctions, 2,5 fois le tarif de la Sécu, soit 70 euros pour une consultation spécialiste, devrait finalement figurer dans le préambule de l'accord et non dans le corps du texte. (…) En parallèle, plusieurs centaines de millions d'euros devraient permettre de revaloriser les tarifs des généralistes de secteur 1, interdits de pratiquer des dépassements, et ceux de secteur 2 qui accepteraient de les plafonner dans le cadre du contrat d'accès aux soins. »
Ce projet devrait permettre de mettre en place un "contrat d'accès aux soins" pour les médecins de secteur 2 qui pratiquent des tarifs inférieurs à 2 fois ceux de la Sécu, et qui s'engagent à les plafonner. Ceux-ci s’engageraient à recevoir, sans pratiquer aucun dépassement, les patients bénéficiaires de la CMU ou demandant une aide à la complémentaire santé (ACS). En échange, ils obtiendraient des exonérations de charges. L’objectif de ce projet de loi, réclamé par le gouvernement, est de stabiliser les dépassements d'honoraires, passés de 900 millions à 2,5 milliards en vingt ans.
Lire le communiqué de l’UFC-Que choisir
Retrouver l’article du Monde sur l’accord sur les dépassements d’honoraires