Loi de sécurisation de l’emploi et clauses de désignation
L'article 1er de la loi de sécurisation de l’emploi prévoit la généralisation de la couverture complémentaire santé collective pour l'ensemble des salariés. Le principe de cette généralisation n’est pas contesté. Ce sont en effet les moyens d’y parvenir qui souffrent la critique, et plus précisément, le mécanisme dit des « clauses de désignation » inscrit au 2° du paragraphe II de l'article 1er de la loi de sécurisation de l’emploi, complété par l'article L. 912-1 du code de la sécurité sociale.
Censure des clauses de désignation au Conseil constitutionnel
Par sa décision n° 2013-672 DC du 13 juin 2013, le Conseil constitutionnel s’est rangé derrière l’avis de l’Autorité de la concurrence du 29 mars, comme l’avaient fait avant lui les sénateurs en votant un amendement au projet de loi de sécurisation de l’emploi que l’Assemblée nationale avait ensuite retiré. Saisis par plus de 60 députés et 60 sénateurs, le 15 mai 2013, les sages ont ainsi considéré que les clauses de désignation portaient "à la liberté d'entreprendre et à la liberté contractuelle une atteinte disproportionnée au regard de l'objectif poursuivi de mutualisation des risques".
La clause de désignation, absente de l’accord du 11 janvier (ANI) qui ne prévoyait pas cette disposition, a été introduite en première lecture du projet de loi à l’Assemblée nationale. Elle devait permettre aux partenaires sociaux de désigner un seul organisme assureur (mutuelle, assurance ou institut de prévoyance), prenant en charge la complémentaire santé de tous les salariés de toutes les entreprises d’une branche professionnelle. Même les entreprises du secteur qui avaient déjà contracté une complémentaire santé collective pour leurs salariés se seraient ainsi vues imposer par leur branche professionnelle, la complémentaire santé choisie, après appel d’offre, comme toutes les autres entreprises du secteur.
Pour le Conseil constitutionnel se pose ainsi un double problème qui va à l’encontre de la liberté d'entreprendre et de la liberté contractuelle, malgré l’objectif poursuivi de mutualisation des risques :
- Il n’est pas possible qu’une entreprise soit forcée de se lier avec un cocontractant, mutuelle, entreprises d'assurance ou institutions de prévoyance, déjà désigné par un contrat négocié au niveau de la branche dont le contenu, le prix et les garanties, soit totalement prédéfini.
- Il n’est pas possible d’imposer à une entreprise liée à une complémentaire santé avant la signature d’un accord de branche un organisme désigné par l’accord même si des clauses de migration étaient prévues.
La décision du Conseil constitutionnel entrée en vigueur dès sa publication le 13 juin 2013, n’annule pas les accords déjà conclus suite aux premiers appels d’offres, semble-t-il principalement remportés par des organismes de prévoyance gérés par les partenaires sociaux. Ces accords devraient néanmoins disparaître à l’échéance de leurs révisions arrivant cinq ans après la signature.
Modification de l’article 1 de la loi de sécurisation de l’emploi
L’article 1 du projet de loi devra être réécrit. Le Conseil constitutionnel a d’ailleurs proposé deux alternatives qui satisferaient aux exigences de liberté d'entreprendre et de liberté contractuelle, tout en poursuivant dans un but de mutualisation des risques.
Il pourrait ainsi être prévu que les branches puissent recommander (et non imposer) un seul organisme de complémentaire santé qui proposerait un contrat de référence et un tarif de souscription. La liberté de choix de suivre ou pas la recommandation resterait ainsi intacte.
De plus, le Conseil constitutionnel ouvre également la porte à la possibilité d’une désignation au niveau de la branche de plusieurs (et non un seul) organismes d’assurance santé complémentaire proposant a minima des contrats de référence définis par la branche. Le choix des entreprises s’exercerait alors dans la liste des organismes désignés.