Le projet de loi doit encore être validé par le Sénat, dans les semaines à venir. Il autoriserait les mutuelles, grâce à une modification du Code de la Mutualité, à mieux rembourser les soins effectués dans leurs réseaux de soins. Ces réseaux seraient composés de professionnels de santé ayant signé une convention, et s’engageant à modérer leurs tarifs. Aujourd’hui, seuls les assureurs sont autorisés à moduler leurs prises en charge, selon que l’assuré consulte ou non un professionnel de santé de leur réseau. Les mutuelles réclament la possibilité d’en faire autant, en faisant valoir l’argument d’une meilleure gestion des dépenses de santé et de la réduction du reste à charge pour les adhérents (de 20 à 40%). Grâce à ces réseaux, l’accès à des soins de qualité se trouverait renforcé.
De l’autre côté, les médecins et les internes des hôpitaux brandissent le spectre de la fin de la médecine libérale, et dénoncent une santé au rabais et la restriction du libre choix des patients. Selon les opticiens, la baisse des coûts nuirait à leur activité et engendrerait l’achat de produits de moins bonne qualité. La Fédération nationale de la Mutualité interprofessionnelle (FNMI) dénonce les confusions entretenues par la protestation des médecins : « La liberté de choix est intacte, mais les réseaux permettent de bénéficier de soins de qualité à des prix beaucoup plus accessibles », rétorque-t-elle.
Les deux camps ont chacun commandé leur enquête, livrant des résultats opposés. Une enquête Ipsos réalisée pour la Mutualité française conclut à un plus fort taux de satisfaction de la part des acheteurs de lunettes qui sont allés voir un opticien membre d’un réseau agréé. Une enquête de Gallileo Business Consulting, réalisée pour la Centrale des opticiens (groupement d’opticiens indépendants), conclut au contraire à l’importance qu’accordent les porteurs de lunettes à la liberté de choix de leur opticien, même si un réseau agréé leur propose de meilleurs remboursements.
Suite à la pression exercée par les médecins contre ce projet, la ministre de la santé Marisol Touraine a fait préciser dans le texte l’importance de la liberté de choix du patient. La présidente de la commission des Affaires sociales de l’Assemblée, Catherine Lemorton a également introduit un amendement, pour exclure les médecins de ces réseaux mutualistes. Seuls les opticiens, les dentistes et les professions paramédicales pourront en faire partie. Dans son rapport, la commission des affaires sociales a estimé que ce texte était « la première étape d’une réflexion plus large sur l’organisation de notre système de santé ».
Projet d’une « mutuelle libre »
Dans ce contexte tendu entre médecins et mutuelles, un groupe de généralistes a lancé l’idée de créer, fin 2012, une « mutuelle libre - assurance santé ». Il s’agirait d’une complémentaire fondée par des professionnels de santé et dont « tout l’argent irait dans les soins ».
Ces médecins se sont rencontrés dans le cadre du mouvement « les médecins ne sont pas des pigeons », né lors du débat sur l’encadrement des dépassements d’honoraires, en octobre dernier. Ils travaillent depuis plusieurs mois à ce projet de « mutuelle libre », dont le but affiché est d’annuler tout reste à charge pour le patient (après le remboursement de la Sécu et celui de la mutuelle), et de rémunérer les actes à leur juste coût. Leur constat de départ est le suivant : les complémentaires gaspillent de l’argent avec des frais de gestion et de publicité énormes… « Après avoir vu des choses incroyables dans un rapport de la Cour des comptes de 2008 sur les mutuelles, nous avons décidé de prendre les choses en main dans l’intérêt des médecins et des patients. Nous voulons être novateurs comme Free dans la téléphonie mobile », a déclaré dimanche à l’AFP le Dr François Masson, anesthésiste à Paris et membre de l’Union française pour une médecine libre (UFML). Les contrats ne prévoiront pas le remboursement de dépassements d’honoraires « excessifs », promettent les professionnels.