En France, les lunettes sont chères, apparemment plus chères qu’ailleurs en Europe, et elles sont mal remboursées par la Sécurité sociale. Selon l’UFC-Que Choisir qui a relancé la polémique sur l’optique, le prix de vente moyen d’une paire de lunette est de 470 € pour un remboursement obligatoire (Sécu) allant jusqu’à 31,14 €. Le reste à charge pour l’assuré s’élève en moyenne à 205 € et atteint même 445 € dans le cas où il n’a pas de mutuelle complémentaire santé !
Partant de ce constat, l’association de consommateur observe la structure du prix de vente pour trouver les sources de ce qu’elle qualifie de « surcoût ». Cette étude met en évidence « le poids des frais de distribution, qui représentent 70 % du prix de vente hors taxes et expliquent que les consommateurs français aient le budget « lunettes » le plus lourd d’Europe (50 % plus élevé que la moyenne). »
Des pratiques abusives du côté des opticiens ?
Selon l’UFC-Que Choisir, un équipement optique est vendu 3,3 fois plus cher qu’il n’a été acheté par l’opticien : en moyenne, « il dégage donc une marge brute de 275 €, soit un taux de marge de 233 %. Sur les verres, la marge brute moyenne atteint même 317 % ». Et l’association pointe deux causes qui incitent l’opticien à rechercher de telles marges :
- Le réseau d’opticiens serait sous-productif : l’augmentation du nombre de points de vente (+ 47 % depuis 2000) est trop importante au regard de la croissance des besoins de la population (+ 13 % sur la même période). « Chaque magasin ne vend ainsi que 2,8 paires de lunettes par jour ouvré en moyenne, sur lesquelles l’ensemble des coûts fixes du magasin sont répercutés. Résultat, cette multiplication injustifiée génère un surcoût de 510 millions d’euros par an pour les consommateurs, soit 54 € par paire vendue. »
- Les dépenses de marketing seraient « inconsidérées » : 60 € sur chaque paire de lunette vendue serviraient à couvrir les 580 millions d’euros affectés chaque année au marketing. L’UFC fustige notamment la pratique des « secondes paires gratuites » qui alourdiraient la facture des consommateurs de 120 millions d’euros par an.
Mais, ces chiffres et leur analyse sont contestés. La Centrale d’achats Opticlibre destinée aux opticiens indépendants s’appuie par exemple sur une étude menée par GFK en 2012 pour montrer que les prix de l’optique en France sont dans la moyenne haute des prix pratiqués ailleurs en Europe avec un prix de vente moyen de 397€ en France contre 423€ en Allemagne et 293 € en Italie.
Avec un prix moyen 15 % inférieur aux chiffres avancés par UFC-Que Choisir, le taux de marge brute baisse à 64,4 % pour les lunettes correctrices (et même à 56 % si on considère toutes les activités d’un opticien). En comparant ce taux avec les marges d’autres professions, la centrale d’achat conclue qu’elle est dans la norme puisqu’elle serait de 70 % pour un charcutier ou de 80 % pour un ébéniste.
Opticlibre remet aussi en cause le calcul des frais de fonctionnement qui s’établiraient par paires de lunettes vendue à 71 € et non 139 € selon les calculs de l’association de consommateurs.
La qualité des équipements vendus pour expliquer des prix élevés
Enfin, la France est à la pointe de la technologie en optique. Les verres progressifs sont par exemple répandus, plus qu’ailleurs, ce qui fait du fait du prix de ces verres monter le coût moyen d’une paire de lunette ; il en va de même des traitements anti reflet par exemple.
Opticlibre rappelle aussi que « tout consommateur français peut s’acheter un équipement unifocal pour un prix forfaitaire de 29 euros dans d’innombrables points de vente situés à proximité de chez lui ou même sur internet. » Avant d’ajouter « qu’il est connu des opticiens qu’une proportion significative de bénéficiaires de lunettes CMU-C ne souhaite pas s’équiper de la lunette qui leur est proposée. Il ne s’agit absolument pas d’une renonciation à se soigner, mais d’une renonciation à un équipement perçu comme de qualité insuffisante pour eux, ce qui est très différent. »
Enfin, au-delà de la paire de lunette elle-même, le prix de vente comprend aussi le service rendu par les opticiens à leurs clients qui sont conseillés, à qui les montures sont adaptées après que les verres aient été découpés et montés, le service après vente est prévu, etc. Le temps passé pour chaque dossier client est donc important.
Des pratiques inflationnistes du côté des complémentaires santé
Des professionnels de l’optique, tels Alain Afflelou ou le Groupe All, ont aussi réagi à la publication de l’UFC pour faire part de leurs points de vue qui placent ailleurs la cause du coût des prestations d’optique.
Le portail des décideurs de l’optique (Acuité) rapporte ainsi les mots d’un communiqué de la centrale des opticiens indépendants All selon laquelle « il est temps de mettre en lumière les pratiques développées depuis plusieurs années par les organismes complémentaires d'assurance maladie consistant à afficher des montants de remboursements inflationnistes pour les prestations optiques avec comme effet pervers d'inciter les consommateurs à s'orienter vers des équipements toujours plus chers. »
Concrètement, quand certains contrats haut de gamme de complémentaires santé proposent un niveau de remboursement élevé ou intégral pour les lunettes, les assurés sont incités à acheter des équipements chers. On assisterait donc à un problème d’utilisation des complémentaires dont le rôle d’assurance serait dévoyé.
Faut-il donc investir dans une importante garantie optique pour sa mutuelle ?
Au-delà de ce débat et que le prix des lunettes soit justifié ou ne le soit pas, les complémentaires santé proposent des garanties optiques qui « offrent » des remboursements venant palier la très faible prise en charge par la Sécurité sociale. Souvent forfaitaires, ces garanties sont même souvent un argument de vente mis en avant par les assureurs. Et ceux qui portent lunettes ou lentilles ont naturellement tendance à en faire la garantie numéro 1 de leur contrat d’assurance complémentaire santé. Est-ce pour autant une bonne idée ?
Il semble utile de rappeler que les complémentaires santé sont des assurances qui ont pour but premier de vous permettre de faire face à des frais inattendus et généralement importants en cas de réalisation d’un risque majeur. Quel que soit votre profil et vos pratiques de santé, votre complémentaire santé doit couvrir le risque lourd qu’est l’hospitalisation. En effet, les frais associés à un séjour à l’hôpital sont nombreux, très partiellement pris en charge par la Sécurité sociale et au final ils risquent de vous coûter très cher si votre complémentaire santé ne présente pas les garanties adaptées.
Au-delà de cette indispensable garantie hospitalisation, selon votre profil d’assuré et/ou vos besoins spécifiques vous pouvez avoir intérêt à souscrire à des garanties spécifiques ou à monter en gamme pour certaines garanties ? C’est notamment le cas si vous pensez devoir faire face à des frais importants dans le domaine de l’optique, du dentaire ou pour un appareil auditif… car ils sont mal remboursés par la Sécurité sociale.
Il faut tout de même savoir que votre mutuelle n’est vraisemblablement pas le meilleur moyen de couvrir vos dépenses courantes de santé, celles qui ne présentent aucune incertitude, bref pas le meilleur moyen d’anticiper vos achats ! Les frais de commercialisation et de gestion administrative peuvent en effet atteindre 40 % pour certains contrats d’assurance complémentaire. Les cotisations que vous versez à votre complémentaire santé ne sont finalement pas un « placement » intéressant pour payer des frais tels qu’un changement de lunettes ou le reste à charge de vos prescriptions et consultations médicales. En tout cas, il n’est pas forcément rentable de prioriser des garanties comme l’optique par rapport à la garantie hospitalisation.
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