De l’assurance maladie obligatoire vers la complémentaire
La sécurité sociale couvre une partie de vos frais de santé (dépenses liées à la maladie, à la maternité et aux accidents). Elle est financée par les cotisations de Sécurité sociale calculées en fonction des sommes versées aux travailleurs en contrepartie ou à l’occasion du travail. Les employeurs et les salariés en payent chacun une partie.
L’assurance maladie complémentaire prend quant à elle en charge tout ou partie des frais de santé non couverts par la Sécu. Elle offre ainsi un supplément de remboursement des dépenses de santé. Les mutuelles santé sont financées directement par l’assuré et, pour partie, par les employeurs dans le cas des contrats collectifs d’entreprise.
Depuis une dizaine d’années, on assiste à un recul de la prise en charge des soins par la Sécurité sociale qui entraîne un transfert progressif vers des organismes privés (mutuelles, institutions de prévoyance et assureurs). C’est ce que dénonce notamment des médecins, politiciens et économistes qui appellent à un débat public sur la santé pour alerter sur le passage « d’une logique de prise en charge solidaire pour tous à une logique d’assistance pour les plus pauvres et d’assurance pour les plus riches ». Avec à la clé, moins de solidarité et des cotisations plus chères… Et la multiplication des dépassements d’honoraires dans certaines spécialités médicales renforce ce phénomène.
Il suffit par exemple de regarder ce qui reste à la charge d’un patient en cas d'hospitalisation pour se rendre compte que les complémentaires sont devenues indispensables. C’est ce qui conduit l’Etat à aider de plus en plus ceux qui ont des difficultés à payer une complémentaire santé en élargissant l’accès à la CMU-C et à l’ACS. C’est aussi ce qui a amené les pouvoirs publics à imposer la généralisation des contrats collectifs dans les entreprises avec la transposition de l’ANI dans la loi sur la sécurisation de l’emploi. Aujourd’hui, plus de 3/4 des salariés du privé sont ainsi couverts par un contrat collectif de complémentaire santé dans leur entreprise.
La réforme du régime fiscal de la complémentaire santé
La réforme concerne les contrats collectifs de complémentaire santé des salariés du privé. Ces 13 millions de travailleurs dont une partie des cotisations à la mutuelle est prise en charge par l’employeur vont voir leur nombre continuer à augmenter jusqu’en 2016, date à laquelle la complémentaire sera généralisée dans toutes les entreprises.
Jusqu'à présent, les cotisations des complémentaires santé collectives, obligatoires pour les salariés et leurs employeurs, présentaient plusieurs avantages sociaux et fiscaux :
- la participation financière de l’employeur était exemptée (dans certaines limites) de cotisations sociales (sauf CSG et CRDS) et exclue de l’assiette de l’impôt sur les sociétés ;
- le montant total de la cotisation à la complémentaire, quel que soit le niveau de participation de l’employeur, était intégralement déduit du revenu imposable du salarié (dans certaines limites, il y a un plafond).
Depuis le 1er janvier 2013, les règles ont changé. En effet, la part des cotisations à la complémentaire prise en charge par l'entreprise (ou le comité d'entreprise) devient un revenu imposable. Elle est désormais considérée comme un avantage en argent à déclarer au fisc. Bilan, 13 millions de salariés vont devoir ajouter à leur salaire imposable de 2013 quelques centaines d'euros de plus ! Cette imposition des mutuelles des salariés va entrainer une hausse des impôts à payer cette année, comprise en moyenne entre 90 € et 150 € par contribuable.
Par exemple, avec une cotisation de 100 € par mois et une prise en charge à hauteur de 60% par votre employeur (c’est la moyenne de leur participation), votre revenu annuel imposable va augmenter de de 720 €. Soit une hausse d'impôt de 101 € si vous êtes imposé à 14 % (alors que vos revenus n'ont pas réellement augmenté) ! Bien sur, plus la part prise en charge par l’employeur est importante, plus votre revenu imposable va augmenter, avec le risque de vous faire passer dans la tranche d’imposition supérieure.
Alors que la généralisation des mutuelles collectives dans les entreprises est en cours, cette modification du régime fiscal des complémentaires collectives va incontestablement marquer les futures négociations des partenaires sociaux. Le risque est que les contrats collectifs proposent des garanties minimalistes du fait de l’augmentation de leur coût, et qu’au final l’accès aux soins en pâtisse. Les salariés qui souhaitent être bien couverts seront alors contraints de souscrire, en plus, une surcomplémentaire santé individuelle. Un système de santé à deux vitesses, en somme !
Augmenter les bénéficiaires de la CMU-C et de l'ACS
La fiscalisation des mutuelles d'entreprise a été proposée le Haut conseil pour l’avenir de l’assurance-maladie : « Au minimum, l’inclusion de la participation de l’employeur dans le montant déductible de l’impôt sur le revenu du salarié pourrait être remise en question. Cette inclusion aboutit à aider deux fois la même participation de l’employeur, d’abord au bénéfice de l’entreprise via l’exclusion d’assiette des cotisations sociales puis au bénéfice du salarié par la déduction fiscale de montants qui n’ont pas été effectivement payés par le salarié. » S’il reconnait que « toute réduction de ces avantages est susceptible de peser sur le pouvoir d’achat des bénéficiaires », le HCAAM indique que « l’objectif d’équité ainsi que les contraintes pesant actuellement sur les finances publiques rendent nécessaire une orientation prioritaire vers les ménages les plus modestes ».
François Hollande avait également annoncé une réforme de ces aides fiscales à l’occasion du congrès de la Mutualité française (FNMF) d’octobre 2012, estimant que les avantages sociaux et fiscaux associés aux contrats collectifs « représentent un gâchis financier et une injustice » puisque « ceux qui en profitent sont généralement les plus favorisés ».
Pour les pouvoirs publics, donc, l’argent récolté grâce à cette nouvelle taxe justifie la réforme. Il s’agit en effet de financer l'augmentation du nombre de bénéficiaires de la CMU-C et de l’ACS, ces aides publiques qui permettent aux plus pauvres d’accéder à une complémentaire santé, même si aujourd’hui les personnes éligibles ne réclament pas toutes ces aides.
Dès l’annonce de la réforme, certaines parties prenantes comme les Mutuelles de France et la Mutualité française, par la voix de leur président Etienne Caniard, ont appelé de leurs vœux l’inscription de cette mesure dans d’une réflexion plus globale devant dépasser la recherche de recettes fiscales. Mais même en incluant la mesure envisagée dans une réforme plus large au profit de ceux (chômeurs, retraités, jeunes…) qui n’accèdent pas à une complémentaire santé malgré les dispositifs existants, on voit mal comment cette mesure qui « déshabille » les uns pour « habiller » les autres peut recevoir un accueil favorable…
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